Si la pandémie et ses conséquences directes n’avaient déjà assez semé la zizanie dans le secteur automobile, voilà qu’arrive depuis le mois de janvier une seconde vague d’ennuis avec des ruptures d’approvisionnement de semi-conducteurs et autres puces électroniques qui ralentissent, ou mettent à l’arrêt, certaines usines pour de nombreux constructeurs.
A se demander si en plus d’un « airbus de la batterie », l’Europe ne devrait pas aussi songer à sécuriser la production de ce type de composants pour son industrie automobile, pour éviter une trop forte dépendance à des fonderies* (*fabrication de circuits intégrés, à ne pas confondre avec les fonderies de métaux) majoritairement étrangères.
Un effet secondaire du Covid-19, mais pas seulement
Un grain de sable dans une machine bien huilée et c’est le drame, mais cette situation de pénurie de puces était-elle évitable ? Probablement, car la question de la production des semi-conducteurs est épineuse depuis quelques années. Un sujet d’autant plus prépondérant que l’électrification des véhicules et la multiplication des aides à la conduite ont fait croître le besoin en puces des constructeurs automobiles, et cela n’est pas prêt de changer. Venant même jusqu’à doubler le nombre de ces équipements (plus d’une centaine de semi-conducteurs) au sein des véhicules qui sortent actuellement des lignes de production. Un certain manque d’anticipation semble donc s’être invité dans le débat, car l’offre n’est clairement plus synchro avec la demande.
Et comme pour toute pièce, aussi petite soit-elle, le moindre problème de stock, et c’est toute la chaîne de production qui tourne au ralenti ou s’arrête. Si certains constructeurs comme BMW sont relativement épargnés, même s’ils surveillent attentivement la situation. D’autres marques ont annoncé des conséquences beaucoup plus marquées, c’est le cas chez nos constructeurs nationaux qui baissent la cadence, mais aussi chez les allemands, car Audi (et le groupe VW) n’est pas épargné et a déjà mis 10000 salariés au chômage partiel. Une pénurie qui s’invite aussi chez les marques japonaises et américaines, pas de jaloux, tout le monde, ou presque, réduit la voilure.
Une gestion à flux tendu impactée par la pandémie
A l’origine de cette pénurie, on retrouve bien entendu notre Covid-19 préféré, face à l’arrêt d’une partie des usines au printemps 2020 et des ventes en berne du marché de l’automobile (-25 % en Europe l’année dernière), les commandes de semi-conducteurs ont été réduites ou repoussées.
Sauf que, si la production de semi-conducteurs pour l’industrie automobile a été ralentie, ce n’est pas le cas de la demande pour d’autres secteurs. Et ce n’est pas une question de quelques jours ou quelques semaines pour relancer la production des puces automobiles pour répondre à la demande, mais de plusieurs mois dans certains cas.
Alors qu’après l’arrêt brutal du marché automobile (entre mars et mai), la reprise s’est installée, le stock de semi-conducteurs a baissé, jusqu’à atteindre le seuil critique actuel. Sauf que la méthode du « Just in time » de l’industrie automobile qui consiste à limiter le stock de pièces en usine pour travailler « à la demande » avec les fournisseurs, montre ici ses limites. Les constructeurs les plus prévoyants ont préparé leur stock, à l’image de la Cigale et la fourmi de la fable de La Fontaine, certains se sont trouvés fort dépourvu quand la bise fut venue (ils peuvent danser maintenant).
Playstation et téléphones 5G ne sont pas les seuls coupables
Si l’année 2020 n’était pas forcément placée sous le signe de la production automobile, le secteur high-tech lui a fait tourner la planche à billets. Nouvelles consoles de jeux (Xbox comme Playstation) étaient fortement attendues à la rentrée, ainsi que la nouvelle génération de smartphones 5G.
C’est aussi le cas de tous les équipements technologiques qui ont été boostés par l’effet confinement (télévision et autres produits de loisirs) et télétravail (ordinateurs, imprimantes…). Bref, la demande de produits technologiques a explosé à l’international, et les chaînes de production de puces ont tenté d’y répondre.
Sauf que même Sony (pour sa PS5) et AMD se sont retrouvés le bec dans l’eau, les fabricants de semi-conducteurs ne peuvent pas répondre à la demande. Il faut dire que la guerre commerciale entre les USA et la Chine renforcée par Trump, n’a pas vraiment aidé tout ça.
Des problèmes de génération de puces et d’investissements à long terme
Mais finalement, ce n’est pas uniquement parce que les ventes de consoles de jeux, de téléphones et de pc ont explosé que les semi-conducteurs automobiles sont en pénurie. Une grande partie des semi-conducteurs exploités dans l’automobile ne sortent pas des chaînes de fabrication de dernières générations comme peuvent l’être les composants des derniers produits tendance.
Une bonne partie des puces embarquées dans nos véhicules sont encore sur d’anciennes générations, et donc sur d’anciennes chaînes de production, l’offre est ainsi limitée par les capacités de production de ces anciennes usines (mais la demande explose), et pas forcément de cette course au progrès technologique. Il y en a également dans les voitures, mais vous imaginez bien qu’une puce qui sert à faire fonctionner les vitres électriques n’a pas la même complexité et technologie, que celle qui peut équiper l’infodivertissement, le compteur numérique ou la gestion du rendement moteur d’un véhicule hybride.
Quand on observe quels modèles de véhicules sont impactés par des baisses de production, il ne s’agit d’ailleurs pas toujours des modèles les plus haut de gamme ou les plus technologiques.
On se retrouve face à une équation qui semble difficile à solutionner, d’un côté, les fonderies (de puces) font évoluer leurs outils de production vers les technologies d’avenir pour répondre à la demande des gros acteurs (de la tech). De l’autre, l’automobile a besoin de toujours plus de puces pour les véhicules qui doivent répondre aux ambitions européennes d’abaissements drastiques des émissions de polluants, dont beaucoup de ces puces sont basées sur des technologies « obsolètes » pour les fabricants de semi-conducteurs. Encore une fois, on a d’un côté des gros acheteurs de puces qui margent confortablement et achètent des gros volumes en permanence, et de l’autre, on a l’automobile qui représente entre 10 et 15% qui radine (sensiblement), commande en « just in time » et a besoin de produits qui répondent à des normes plus strictes. Pas simple !
Véhicules neufs : des délais à rallonge à prévoir
L’Europe pousse à acheter de nouveaux véhicules que les constructeurs ne pourront probablement pas produire à temps.
Si l’on en croit les dires des principaux fabricants de semi-conducteurs, la situation de pénurie pourrait dépasser le premier semestre avant de voir une amélioration se dessiner. Ce qui est une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble de la production automobile qui risque de prendre du retard.
Un retard qui pourrait d’ailleurs peser lourd dans les objectifs de baisse de CO² à atteindre, et donc sur des amendes qui pourraient être infligées aux constructeurs.
Qui a dit que 2021 ne pourrait pas être pire que 2020 ?
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Et priez pour que votre voiture actuelle ne tombe pas en panne électronique !!!
Justement un de mes contacts FB me disait que son véhicule était immobilisé depuis plus d’un mois car ils arrivent pas à obtenir la pièce (très certainement un lien avec ce manque de puces) …ça va être compliqué là