Le couperet vient de tomber, le Mondial de Paris prévu à la Porte de Versailles du 1er au 11 octobre 2020 n’aura pas lieu, en tout cas pas sous la forme qu’on lui connaît. Une annulation de plus parmi les grands salons automobiles internationaux. La dernière annonce du genre n’avait pourtant que quelques heures, c’était la suppression du calendrier du salon de Détroit (NAIAS) prévu pour le mois de juin. Il venait rejoindre la liste déjà bien trop longue composée du salon de Genève, de celui de Pékin, de Sao Paolo et de New York. On peut désormais y ajouter le salon de Paris, mais est-ce réellement pour les mêmes raisons ?
La pression de la pandémie
Alors que l’on a reproché au salon de Genève d’avoir trop tardé à annuler son événement du mois de mars, on ne pourra pas reprocher la même chose à celui de Paris. Genève a clairement essuyé les plâtres de cette épidémie encore méconnue.
Pour éviter la sanction d’un remboursement massif des exposants, l’organisateur a attendu la décision salvatrice des autorités fédérales suisses d’interdire les rassemblements de plus de 1000 personnes. Sauf qu’entre temps (J-3), le salon était quasi installé et les pertes financières immédiates sont donc une première douche froide dont les constructeurs-exposants se seraient bien passés, surtout quand on connaît la suite de l’histoire : la fermeture des usines, des concessions, le confinement généralisé, et l’économie à l’arrêt .
Ensuite, au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie, les organisateurs des salons des différents pays ont pris les décisions de reporter ou d’annuler les événements prévus sur leur territoire pour les dates les plus proches.
Mais alors pourquoi Paris s’annule-t-il dès maintenant ?
Avec l’annulation du GIMS de Genève, je me disais que le « Mondial de Paris 2020 » avait une carte à jouer pour redorer son image (bien entachée), mais ça, c’était avant que l’économie mondiale se prenne un mur en pleine face et que l’on se retrouve tous (ou presque) confinés chez nous.
Concrètement en annulant dès maintenant, on réduit les dépenses inutiles aussi bien pour l’organisateur, qui aurait dû commencer son plan de communication, que pour les exposants, qui préparent les salons très en amont de l’événement (pour toute la partie création du stand, décoration…). En plus, avec les équipes en fonctionnement dégradé (télétravail ou chômage partiel), les conditions actuelles ne sont pas propices au développement d’un projet d’une telle envergure internationale. Donc, sur ce point, on pourrait dire que c’est une sage décision.
En plus, il ne faut pas se leurrer cette pandémie, va avoir des répercussions énormes sur la filière automobile. Il pourrait même faire vaciller plus d’un constructeur (ou groupe) automobile (sans parler des sous-traitants), déjà affaibli par les précédentes crises économiques. À l’heure actuelle, on décompte tous les jours les morts du covid-19, mais dans les prochains mois, cela sera au tour des entreprises et de l’emploi de dénombrer ceux qui n’auront pas survécu à ce cataclysme.
En sortant de cette nouvelle crise sans précédent, les budgets et investissements initialement programmés pour cette année par les constructeurs vont être remis à zéro, et pour sauver les meubles, toutes les dépenses superflues vont être passées à la trappe. Un salon, tel que le Mondial de Paris, est un investissement de plusieurs millions d’euros, pour lequel la rentabilité est toujours assez discutable. C’est d’ailleurs pour cela que l’on constate déjà une désaffection de plus en plus marquée de ces événements par certaines marques. À chaque nouvelle édition, on finit inlassablement par lister les absents (comme au dernier catastrophique salon de Francfort).
Si la décision de l’annulation du Mondial-Paris Motion Festival (son nouveau nom pour l’édition 2020) intervient dès maintenant, c’est aussi et sûrement pour éviter un camouflet, qui aurait fini par faire des vagues tôt ou tard.
Des bruits de couloir assez présents
Avant même les développements dramatiques de la pandémie de coronavirus, on entendait çà et là que les constructeurs n’étaient pas emballés par les évolutions prévues de l’événement. C’est plus fort que moi, j’adore ce genre de potins.
Il faut dire que suite aux baisses de fréquentation successives des éditions précédentes et à des changements au niveau des acteurs impliqués dans l’organisation (et surtout l’arrivée de Luc Chatel au PFA), le salon cherche désespérément à se renouveler pour attirer plus de public et plus d’exposants.
Il était donc annoncé une sorte de gloubiboulga d’événements auto, moto et de nouvelle mobilité sur la période, avec des activités basées à la Porte de Versailles (le Mondial de Paris comme on le connaissait plus ou moins), mais aussi dans toute la capitale (façon Fashion Week). La dernière édition de 2018 avait d’ailleurs inauguré ce concept avec un centre d’essai placé en plein milieu de la Concorde pour des essais de véhicules « propres » (des essais de bagnoles en plein coeur d’un quartier toujours embouteillé, quelle merveilleuse idée).
Sauf qu’en plus de ce mélange des genres, pas forcément très clair, il faut bien dire que le parc des expositions de la Porte de Versailles allait être amputé de son « Hall 1 ». Le hall 1, si vous ne le savez pas, c’est la plus grande surface d’exposition du parc. Pendant le Mondial, c’est là où l’on retrouve les marques françaises (le groupe PSA et l’Alliance Renault) et plusieurs autres exposants (Kia, Hyundai, Suzuki, les marques de luxe…), c’était aussi le hall plus ou moins privatisé par Macron pendant plusieurs heures en 2018 (relire la polémique que cela avait suscité). Si regrouper toutes les marques dans les autres halls plus petits rendait ce salon plus concentré (un peu comme Genève), la nouvelle répartition n’était pas vraiment du goût de tout le monde.
Il se dit même que de nombreux acteurs de la filière n’avaient pas encore clarifié leur position, y compris chez les Français, mais tout ceci était de l’ordre du « on-dit », et maintenant la question ne se pose plus. C’est donc surement une épine dans le pied en moins pour certains, l’honneur est sauf.
Entre un salon annulé ou un salon amputé de la moitié de ses exposants (comme l’IAA Francfort 2019), il semble quand même plus sage de retirer le salon du calendrier. Sachant que l’organisateur souhaite conserver certains événements satellites prévus ailleurs dans la capitale (sous réserve de l’évolution de la pandémie). Reste que pour les journalistes autos (comme pour les blogueurs), c’est une année bien creuse en événement, les salons ramènent quand même toujours un peu d’émulation.
Même si l’année 2020 risque de mettre à mal le principe même du salon automobile international, déjà menacé (alors que certains salons locaux comme celui de Lyon fonctionnent bien), cette remise en question du modèle est peut-être l’occasion unique de remettre à plat le sujet, et d’essayer de co-construire un événement avec les différents acteurs (et surtout les exposants).
Reste maintenant aux différentes marques à trouver les solutions disponibles pour remplacer (ou compenser) les salons par d’autres actions de communication auprès des médias, du public et surtout des potentiels clients, de manière à présenter les nouveautés et les concepts qui doivent quand même continuer à animer la vie de l’entreprise. Cela va brainstormer sec quand l’activité reprendra à 100%. Espérons qu’il en ressorte de belles choses !