Il aura fallu attendre presque le dernier moment pour que le couperet tombe, la 90ème édition du salon de Genève n’aura pas lieu en ce début mars 2020. Entre coup dur et soulagement, cette décision, bien que tardive, semble quand même la plus raisonnable dans le climat de méfiance actuel, mais elle va être lourde de conséquences.
Retour sur les derniers rebondissements
Il aura fallu une décision des autorités suisses annonçant l’annulation de tous les événements réunissant plus de 1000 personnes pour les 15 prochains jours, pour que le sort du salon automobile de Genève soit définitivement scellé (ainsi que celui d’autres événements internationaux prévus également sur cette période et plus tard).
Jusqu’à ce vendredi matin pourtant l’organisateur du GIMS tenait à maintenir son salon, assurant que les mesures sanitaires mises en place pour l’occasion étaient suffisantes, il avait d’ailleurs envoyé un message dans ce sens pas plus tard que mercredi soir. Pas vraiment de l’avis de tous les exposants et journalistes, toute la semaine les discussions allaient bon train et les bruits de couloir se faisaient de plus en plus pesants à l’encontre du salon.
L’organisateur prévoyait des mesures de nettoyage des équipements du salon plus fréquents, une équipe médicale à disposition, et des consignes de rester à plus d’un mètre de personnes qui toussent ou éternuent. Ceux qui se sont rendus au salon de Genève en tant que visiteurs les années passées savent bien que cela en est presque risible, puisque la promiscuité autour de certains stands ou véhicules n’est pas vraiment un choix, surtout sur un événement réunissant jusqu’à 600 000 visiteurs sur 10 jours. Aucun contrôle de température corporelle à l’entrée du site n’a été envisagé, et quand bien même le Mobile World Congress de Barcelone l’avait lui prévu, il avait fini quand même pas devoir annuler son événement (relire mon article critique « Le salon de Genève va-t-il subir la paranoïa ambiante du Coronavirus ?« ).
Ces derniers jours, beaucoup de discussions en « off » laissaient à penser que même si le salon avait lieu, il ne serait que l’ombre de lui-même, au moins pour les journées de présentation à la presse (et certainement sur la fréquentation globale). En début de semaine notamment on apprenait que le personnel du groupe FCA n’allait pas se rendre au salon (y compris ceux hors Italie), plusieurs exposants réduisaient le nombre de salariés invités à se rendre sur le salon, en envoyant les volontaires ou quelques désignés d’office semblant en bonne forme pour représenter la marque, quant aux grands patrons qui assurent les conférences de presse de présentation des nouveautés, certains avaient déjà décliné leur présence.
Du côté des médias aussi, on notait que plusieurs journalistes faisaient l’impasse sur le salon, pour certains parce que l’événement n’a plus vraiment d’intérêt, mais pour d’autres parce que le jeu (enfin le risque au niveau santé) n’en valait plus la chandelle. Dans les gros groupes médias et TV, on avait finalement prévu d’envoyer des équipes réduites, essentiellement composées de pigistes (en mode chair à canon), et même les blogueurs / Youtubeur pourtant ravis d’avoir une accréditation (pas si facile à obtenir) hésitaient à s’y rendre.
Puis à partir de mercredi, on a appris que Aiways qui devait présenter son nouveau concept U6ion ne le recevrait pas à temps pour le salon à cause du Covid-19. Jeudi soir, Byton annonçait que les conférences qu’il avait prévu de tenir en marge du salon pour la presse seraient annulées et remplacées par des diffusions en streaming depuis Munich. Bref, le programme commençait doucement à se chambouler.
Quelles conséquences ?
Les conséquences sont nombreuses, autant vous dire même que c’est de l’ordre du beau merdier (pardon pour la vulgarité, mais c’est le mot qui convenait le mieux avec « bordel »).
1- Conséquences financières
Comme pour tous les événements de taille annulés, le premier impact est forcément financier. Il concerne aussi bien l’organisateur du salon, les exposants, tous les sous-traitants, mais aussi tous ceux qui profitent du visitorat du salon : hôteliers (en même temps, eux ils gonflent tellement les prix à cette période que ça leur fera les pieds), restaurateurs, taxis, transports publics, parkings …
Les pertes nettes vont se chiffrer en millions d’euros, c’est d’ailleurs certainement pour cette raison que l’organisateur n’a pas pris de décision en ce sens avant, invoquant maintenant le « cas de force majeure », qui devrait permettre à une partie des assurances et des partenaires d’essuyer les plâtres au moins partiellement.
Reste que le salon était en cours de finalisation, les stands étaient montés à 80/90 %, les voitures présentées étaient déjà sur place ou en approche sur les camions (on peut notamment le voir dans cet article de Caradisiac ou celui-ci de Radical mag). L’annonce de vendredi matin a stoppé net les équipes de montage en pleine action, restera maintenant à organiser le démontage prématuré.
2- Pour les visiteurs
Au-delà de la déception de voir un beau salon, apprécié de tous, s’annuler à 5 jours de son ouverture au public, il y a une bonne nouvelle. Les billets prévendus sur Internet (et par les autres biais) seront intégralement remboursés.
Reste que si vous avez engagé d’autres frais de déplacements ou d’hôtellerie sans avoir pris l’option annulation, cela risque d’être hélas compliqué de récupérer vos billes.
3- Quid de la couverture médiatique du salon ?
C’est également à ce niveau-là que l’on nage en plein flou, et ce n’est probablement qu’en début de semaine que l’on pourra y voir plus clair.
Certains constructeurs ont réagi assez vite pour pallier l’annulation du salon. Byton avait déjà prévu le coup, puisque ses conférences hors salon du 2 mars avaient prévu d’être disponibles en streaming pour ceux qui ne se rendaient pas à Genève. C’est aussi le cas de l’annonce du Cars Of The Year qui est diffusé en live en plus de la présence dans la salle de plusieurs centaines de journalistes. Cette année, il n’y aura personne dans le public, la cérémonie de remise des prix aura lieu à huis clos avec sa diffusion en live dès 15h ce lundi 2 mars.
Renault a également prévenu la presse de son nouveau programme de révélation au format digital et parfois en direct sur Youtube. Avec la présentation du concept Morphoz et des nouveautés électrifiées de la marque dès lundi matin, puis mardi des nouveautés Dacia et Alpine. D’autres constructeurs comme McLaren (et surement d’autres, je n’ai pas eu le temps de tout éplucher depuis hier) optent également pour des présentations en livestream, reste à voir s’ils ne vont pas tous vouloir faire leurs annonces en même temps, ce qui risque de donner une sacrée cacophonie virtuelle.
Update au 01/03 : une bonne partie des constructeurs vont diffuser des conférences de presse en streaming aux horaires prévus dans le planning initial du salon de Genève (ça va être sport de tout suivre), c’est le cas notamment de BMW, Mercedes, du Groupe VW, McLaren qui ont déjà confirmé cela, en attendant les autres.
Après, il ne faut pas se leurrer, de nombreux journalistes ont reçu (ou déjà vu) certains modèles qui devaient être présentés à Genève, mais ils sont sous embargo pour ne pas divulguer avant le 3 mars le contenu préparé. On se le disait entre nous ces derniers temps, les salons n’ont plus l’effet de surprise qu’ils avaient autrefois, c’est pratique pour certains gros médias qui peuvent ainsi préparer en avance un contenu pertinent, mais c’est aussi peu fair-play pour les autres, et cela casse l’attrait du salon si l’on sait tout en avance. L’année dernière, il n’y avait bien que Alfa Romeo avec son concept Tonale qui avait su conserver le secret jusqu’au dernier moment et avait du coup réussi son coup d’éclat.
Pour autant, il n’est pas à exclure que certains constructeurs reportent les annonces initialement prévues sur le salon de Genève. Si le salon permet de donner de la visibilité à certaines nouveautés, si celui-ci n’a pas lieu, on peut probablement décaler la présentation pour ne pas être noyé dans la masse des actualités de l’événement.
Du coup, il est fort probable que les présentations soient un peu plus diluées qu’habituellement. En tout cas, certaines marques ne se sont pas précipitées pour annoncer une conférence de presse virtualisée sur le net. On aura une petite pensée pour les constructeurs « exotiques » qui perdront à cette occasion une belle visibilité, pour eux c’est certainement un coup dur.
Dans tous les cas, si la présence sur un salon n’est clairement plus obligatoire pour lancer une nouveauté ou un concept quand on est un constructeur de renommée mondiale, preuve en est avec les nombreux constructeurs faisant l’impasse sur ces RDV, cela risque quand même d’être un peu le bazar dans les prochains jours. Je ne sais d’ailleurs pas bien comment je vais traiter l’information relative à ce qui aurait dû être le salon de ce début d’année. Affaire à suivre.
Petit avis tout à fait personnel
Je vais conclure cet article avec un petit aparté plus proche de la confidence. Je suis à la fois rassurée et déçue de cette décision d’annulation du salon. J’avais prévu de m’y rendre comme chaque année, et même sans craindre plus que cela le risque de contracter le Coronavirus, il faut bien dire qu’un salon comme celui-là est un bouillon de culture (et je suis déjà souvent rentrée avec la crève de ce rdv hivernal), je commençais à douter que cela en vaille le coup. Le fait que le salon soit annulé évite d’avoir à regretter d’y être allé ou d’avoir fait l’impasse.
J’avais déjà dû trancher pour ne pas me rendre à Retromobile cette année et c’était une décision lourde à porter, surtout quand on voit à travers les copains sur place ce que l’on a manqué.
Bref, j’aime les salons, car cela permet de faire un tour d’horizon des nouveautés d’une manière plus conviviale, et de voir concrètement les produits, sinon il faut lire des kilomètres de communiqués / dossiers de presse souvent plus insipides les uns que les autres, avec des photos tellement retouchées sous Photoshop que les couvertures de magazines féminins font petits joueurs à côté. J’aime y rencontrer les différents contacts chez les constructeurs qui y sont présents, cela humanise la relation et permet de mieux appréhender l’esprit de la marque.
Tout cela va me manquer avec cette annulation de l’événement, et ce n’est pas le futur salon de Paris à l’automne prochain qui pourra rattraper ce RDV loupé, surtout après la mort du salon de Francfort. C’est quand même bien triste…
Le Mondial de Paris se cherche depuis plusieurs années avec beaucoup de désistements, le salon de Francfort c’est fini (ou dans une autre ville, je ne sais plus), celui de Genève tournait bien même si il y avait aussi des désistements. Cette annulation risque de mettre à mal les salons. Les constructeurs vont voir que ça fonctionne très bien en visioconférence et en étalant les nouveautés sur l’année plutôt que tout le monde en même temps. Ça va dans le sens des constructeurs qui préfèrent faire des présentations sur des évènements spécifiques plutôt que des salons (Cf la présentation de l’A110)
Salut,
Perso, je trouve que c’est dommage pour les adeptes de l’automobile. Je sais que les salons de voitures permettent également à certains constructeurs de venir présenter des voitures innovantes. Par exemple, une auto qui recycle, ce n’est pas tous les jours qu’on trouve des créations de ce genre à notre portée. J’espère quand même qu’il y aura d’autres événements très prochainement.
Le très prochainement est un peu compromis, mais maintenant on espère que le mondial de Paris sera maintenu