En début de semaine le Conseil municipal de Strasbourg, puis quelques jours plus tard le conseil eurométropolitain (réunissant 33 communes de la métropole strasbourgeoise) ont acté la mise en place d’une ZFE (zone à faibles émissions) activée 7/7 jours 24/24 heures, mais avec deux calendriers différents. Une cacophonie à l’image de ce qui doit s’implanter depuis le 1er juillet 2019 en Ile de France également.
Entre obligation européenne et mesure électoraliste locale
Si les métropoles doivent actuellement réfléchir à des solutions drastiques pour limiter la pollution (avec comme cible principale l’automobile et ses particules fines), c’est parce qu’elles y sont contraintes par l’Europe. A l’image des restrictions de circulation des véhicules polluants dans les villes allemandes, la France doit à son tour aussi acter ce genre de limitations, et pas uniquement lors des pics de pollution comme c’est le cas actuellement.
Si Paris et le Grand Paris ont été les premiers à dégainer cette mesure particulièrement impopulaire applicable depuis le 1 juillet dernier, toutes les métropoles, malgré certaines oppositions, vont devoir tôt ou tard y passer : Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille …
C’est donc apparemment Strasbourg qui lance les hostilités en la matière en second avec un calendrier plus qu’ambitieux, mais rien de surprenant dans cette ville qui mise beaucoup sur le vélo et les transports en commun. La voiture a quasiment disparu de l’hypercentre, devenu en grande partie piéton. Malgré les échéances électorales de l’année prochaine qui pourraient mettre à mal le plan initialement prévu (en fonction du maire fraîchement mandaté), une majorité des élus considèrent qu’il est plus que temps d’engager un changement en profondeur et que la prise de conscience, aussi violente soit-elle, est plus que nécessaire pour amorcer l’évolution des mentalités.
Ce 27 septembre 2019, le conseil de l’eurométropole de Strasbourg a donc validé à la majorité la mise en place de la ZFE, malgré de nombreuses réserves exprimées par l’ensemble des élus présents (pendant plus de 2 heures… oui j’ai écouté le conseil en question). Restera à chacun des 33 maires des communes visées par la ZFE de choisir s’il signera (ou non) l’arrêté pour que l’application soit faite sur son territoire.
Deux calendriers entre Strasbourg et ses environs
Il y a, semble-t-il, un consensus sur la date de mise en application du projet de ZFE, et c’est le 1er janvier 2021 qui a été retenu, mais après la ville de Strasbourg s’oppose aux communes voisines quant au calendrier à tenir.
Strasbourg veut faire bouger les choses et vite, mais ce n’est pas du goût des communes rattachées à l’Eurométropole qui ne jouissent pas du même maillage de réseau de transport que la ville, et qui considèrent donc que les échéances visant à bannir tous les ans une nouvelle vignette Crit’Air sont trop courtes pour être tenues sans créer une fracture économique et sociale majeure.
Strasbourg vise le calendrier suivant :
- 1er janvier 2021 : interdiction des véhicules sans Crit’Air (diesel et essence d’avant fin 1997)
- 1er janvier 2022 : extension de l’interdiction aux véhicules Crit’Air 5 (diesel jusqu’à fin 2000 et essence d’avant 1997)
- 1er janvier 2023 : extension de l’interdiction aux véhicules Crit’Air 4 (diesel jusqu’à fin 2005 et essence d’avant 1997)
- 1er janvier 2024 : extension de l’interdiction aux véhicules Crit’Air 3 (diesel jusqu’à fin 2010 et essence jusqu’à fin 2005)
- 1er janvier 2025 : interdiction des véhicules sauf Crit’Air 1 et Electrique. (tous les diesels exclus et les essences d’avant fin 2010)
On a tendance à dire qu’il s’agit d’une chasse au diesel dans les villes, mais les véhicules essence sont eux aussi visés par les restrictions d’ici à 2025, ainsi que les deux-roues et tous les véhicules de service (et de secours). Seuls les modèles essence les plus récents (après 2010) pourront encore entrer en ville avec les véhicules hybrides, électriques, hydrogènes après 2025…
Le calendrier pour le reste des communes de l’Eurométropole est moins précis pour le moment :
- 1er janvier 2021 : interdiction des véhicules sans Crit’Air (diesel et essence d’avant fin 1997)
- 1er janvier 2022 : extension de l’interdiction aux véhicules Crit’Air 5 (diesel jusqu’à fin 2000 et essence d’avant 1997)
- 1er janvier 2030 : interdiction des véhicules sauf Crit’Air Electrique et Crit’Air 1.
S’ajoute à cela la possibilité que certains maires de la zone ne signent pas l’arrêté, comme cela est actuellement le cas dans le Grand Paris où pour le moment plusieurs villes font de la résistance. Il reste également plusieurs questions vis-à-vis du trafic de transit sur l’A35 (traversant l’Eurométropole du Nord au Sud) et sur le projet de Grand Contournement Ouest.
Les freins au projet
Même certains élus ayant voté en faveur de la Zone à Faibles Emissions ont souligné que la décision semblait précipitée et que beaucoup de zones d’ombre demeuraient autour de ce projet. Pour autant ils ont jugé que cela permettrait de prioriser le débat et de débloquer les budgets nécessaires en validant la ZFE pour 2021.
Comme pour la ZFE du Grand Paris, l’inquiétude est forte pour les ménages les plus précaires utilisant leur voiture pour se rendre au travail sans autre alternative fiable (à cause de la distance, d’horaires décalés ou de dessertes des transports en commun), mais elle concerne également beaucoup de véhicules d’artisans, de commerçants (et de nombreux autres professionnels), qui se retrouvaient chassés des villes au même titre que les véhicules particuliers. Les bus, les camions de livraison, les camions benne et tous les véhicules exploités par les villes devront être renouvelés avec un échéancier raccourci de plusieurs années.
Le comble c’est que même les véhicules agricoles vont se retrouver soumis à l’interdiction de circuler 7/7 jours si des dérogations ne sont pas proposées, or il n’existe pas vraiment d’alternatives à grande échelle pour des véhicules type moissonneuses batteuses avec des motorisations vertes…
Le plan de développement des transports en commun dans l’Eurométropole a beau s’accélérer, les zones les plus éloignées du centre-ville de Strasbourg souffre encore du manque d’alternatives, en dehors des pistes cyclables qui sont omniprésentes dans toutes les communes de la zone. Cette décision d’acter la ZFE va jusqu’à remettre en question le PLU de la ville, les zones commerciales sont notamment dans le viseur, puisqu’elles poussent les habitants à s’y rendre en voiture. Reste la question de la création de parkings à l’extérieur de la ZFE pour créer une interconnexion avec les transports en commun, mais c’est encore assez flou.
En bref
Si vous pensez que les villes veulent vous pousser à acheter des véhicules plus « propres », vous avez tout faux. L’objectif réel est de réduire le nombre de véhicules personnels circulant dans l’Eurométropole. C’est l’ambition majeure de ces collectivités de favoriser les mobilités douces, les transports en commun et les solutions en autopartage, même si celles-ci n’en sont qu’à leur balbutiement.
N’imaginez donc pas que Strasbourg et les communes avoisinantes vont investir en masse dans des bornes de recharge pour remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électrifiés, non ils veulent plutôt nous retrouver à pied ou à vélo (non pas en trottinette, elles ne sont pas bien vues par ici) d’ici à 2025 (ou à peine plus).
Pour autant quand il est demandé à Strasbourg s’ils comptent rendre les transports en commun gratuit pour inciter les gens à cette transition (à marche forcée), il y a comme un blanc en guise de réponse.
Enfin s’ils continuent ainsi dans toutes les grandes métropoles françaises, l’exode rural va peut-être enfin finir par s’inverser… Vive la campagne pour circuler !
Bien vu !
Car ce n’est pas le moteur thermique que nos ayatollahs bo-bios veulent éradiquer. Ils veulent réduire à la portion congrue, pour ne pas dire supprimer, le transport individuel.
Ce tropisme ne date pas d’hier. Dès l’accession de Delanoë à la mairie de Paris, son adjoint « vert » à la circulation (le tristement célèbre Denis Baupin) disait vouloir « rendre Paris intolérable aux automobilistes ». Pour mémoire, c’était en 2001…
En attendant que les édiles changent et que les tenants de cette politique perdent leurs véhicules de fonction, découvrant alors le « plaisir » des transports en commun ou du vélo sous la pluie, l’intrication des communes « pro » et « anti » ZFE va donner lieu à des situations savoureuses.
Comme disait Coluche, « Je me marre! ».
D’ici là, je vais continuer à rigoler, avec mes immatriculations étrangères (et oui, la vignette « Crit’air » est basée sur le numéro d’immatriculation. Donc véhicule étranger, pas de Crit’air).
Cela dit ça finira par marcher. Hidalgo à Paris a rendu la circulation si impossible qu’excédée par les embouteillages, ma femme refuse d’aller à la capitale. Même pour du shopping!!! Il est vrai que sur cette planète mondialisée, on trouve les mêmes magasins partout. Et que Londres, Milan ou New-York donnent l’occasion d’escapades le temps d’un week-end.
Quant au bilan carbone découlant de cette situation, je ne suis pas certain qu’il soit si positif pour la planète : Un aller-retour et une journée sur Paris (même en V8 ou V12) contre un aller-retour transatlantique…
HAHAHA…