Alors que je testais aujourd’hui une marque de voiture connue pour son confort, mon itinéraire a croisé de nombreux ralentisseurs, plus d’une cinquantaine sur la journée. Malgré un véhicule légèrement surélevé et des suspensions moelleuses à souhait, j’ai subi cet aménagement de la chaussée qui a littéralement envahi villes et villages, devenant la bête noire des automobilistes, mais aussi de tous les professionnels de la route.
Souvent non conforme au niveau de la forme, de la taille, de la signalétique ou de leur emplacement, rien ne semble pourtant ralentir l’investissement des maires dans ce nouveau joujou, sur lequel ils ont quasiment tout pouvoir.
Que dit le décret sur les ralentisseurs ?
La conformité d’implantation d’un ralentisseur notamment trapézoïdale (souvent les pires) répond au Décret n°94-447 du 27 mai 1994. Il faut retenir que son installation doit répondre à plusieurs critères :
- Se limiter aux agglomérations, aux aires de service ou de repos routières ou autoroutières ainsi qu’aux chemins forestiers.
- Seulement sur une section de voie limitée à 30 km/ h.
- Comporter obligatoirement un passage piéton (pour les ralentisseurs de forme trapézoïdale seulement)
Mais que leur implantation n’est pas autorisée :
- sur des voies où le trafic est supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle,
- sur les voies à grande circulation, sur les voies supportant un trafic poids lourds supérieur à 300 véhicules en moyenne journalière annuelle, sur les voies de desserte de transport public de personnes ainsi que sur celles desservant des centres de secours, sauf accord préalable des services concernés,
- à moins d’une distance de 200 mètres des limites d’une agglomération ou d’une section de route à 70 km/ h,
- sur les voies dont la déclivité est supérieure à 4 p. 100,
- dans les virages de rayon inférieur à 200 mètres et en sortie de ces derniers à une distance de moins de 40 mètres de ceux-ci
- sur ou dans un ouvrage d’art et à moins de 25 mètres de part et d’autre.
Quant à la forme, la norme NF P 98-300 fournit un cahier des charges précis aux communes, je vous affiche le joli schéma qui indique les dimensions à respecter (en théorie) :
Bref, à ce niveau-là, nous sommes déjà nombreux à être en mesure de lister les communes et les ralentisseurs hors normes, selon une étude 37% des ralentisseurs sont concernés (plus de 1 sur 3). Sachant que certaines agglomérations feintent en installant des plateaux (zones plus longues, mais avec les mêmes caractéristiques que le ralentisseur trapézoïdal) qui ont des normes plus souples.
Il n’y a d’ailleurs pas besoin de sortir le mètre pour savoir si un ralentisseur est non conforme, il suffit généralement d’observer le revêtement et de constater les traces laissées par les bas de caisse (et autres organes des voitures).
Nuisance de la vitesse vs nuisance du bruit
Si certains maires un peu zélés sont souvent à l’origine des ralentisseurs, les riverains de certains patelins sont aussi assez régulièrement à blâmer. Ils se plaignent d’une vitesse excessive sur la rue, et le maire lassé de les entendre geindre finit par dégainer le carnet de chèques (enfin vous savez celui qui est alimenté par l’argent des administrés de ladite commune, entre autres). C’est aussi typiquement le genre de mesures issues de promesses de campagnes électorales : « rendre la ville plus sûre ».
Sauf que d’une nuisance sonore liée à une vitesse excessive plus ou moins ponctuelle (et défini à l’oreille ou au doigt mouillé), les riverains vont se taper les bruits répétés du ralentisseur, et croyez-moi c’est sûrement la pire punition pour avoir ramené leur fraise. Freinage, bruit de suspension (voire de raclage d’éléments de carrosserie), impact à la descente et ré-accélération, et ça répété encore, et encore, et encore…
Car tant qu’à installer un ralentisseur, le maire aura la fichue manie de choisir celui qui ne respecte pas les normes, pourquoi ? Parce que sinon il n’est pas assez méchant pour être efficace, si l’on en croit les maires des communes qui installent ces ralentisseurs en dépit de la loi.
[Je fais un aparté, j’en profite pour remercier le maire de mon patelin de 900 âmes de ne pas céder à cette folie, et pourtant les excès de vitesse sont légion, c’est le premier à dire que le remède est pire que le mal.]
Les maires, juges et parties du dossier
Pour moi le principal problème vient de là. Pour pouvoir installer un ralentisseur, il faut avoir autorité pour baisser la limitation de vitesse à 30 km/h sur cette section de voie. Pour rappel, le Code de la route indique bien que la vitesse maximum en agglomération est de 50 km/h. Il est cependant possible d’abaisser cette vitesse pour faciliter la cohabitation entre piétons et véhicules motorisés. Depuis c’est un peu parti en vrille, genre chacun fait plus ou moins ce qu’il veut tant qu’il n’essaie pas de passer une double voie à 30 km/h, tout va bien.
Et donc je vous laisse deviner qui a autorité pour prendre cette décision du passage à 30 km/h ? Le maire, bien entendu.
Il n’y a bien que quand l’axe dessert un centre de secours que cette petite magouille pose problème, et que le Conseil Général ou le préfet peuvent mettre leur veto. Sauf que dans les faits, on se rend bien compte qu’il semble y avoir carte blanche sur le sujet. Demandez aux pompiers ou ambulanciers, ils font partie de ceux qui doivent composer au quotidien avec ce non-sens appliqué à la circulation routière malgré l’urgence de leurs interventions, mettant même à l’occasion hors-service leur matériel d’intervention.
Des conséquences sous-estimées
Au-delà de l’inconfort physique généré par le passage répété sur ces ralentisseurs (qu’ils soient ou non en conformité), il y a quand même un vrai problème d’usure prématurée des véhicules (camions et bus compris) et de danger immédiat pour les motards.
Même en passant les ralentisseurs en dessous des 30 km/h, l’impact généré par le choc n’est pas neutre. Suspensions, rotules, pneumatiques, carters et échappements en voient de toutes les couleurs. Et je ne parle même pas de ceux qui se prennent pour des pilotes du rallye WRC de Finlande à se lancer dans des « jump ! » à des vitesses bien trop importantes pour que la voiture ne morfle pas au passage (même s’ils sont hauts sur pattes).
Et que dire face à certaines voitures de sport incapables de franchir l’obstacle de front (voire quelques anciennes dans le même cas). Même avec mon ex-350Z (non modifiée) je devais prendre 80% des ralentisseurs de biais pour éviter d’entendre ce bruit qui vous glace le sang, celui du nez de la voiture qui frotte le bitume. J’en parlais aussi lors de mon essai de la Lotus Elise.
Je fais partie de ceux qui ont tendance à penser que la SUVétisation de notre parc automobile (notamment en ville) est grandement corrélée au niveau d’emmerde générée par les infrastructures routières et aménagements urbains, sauf que la majorité des acheteurs de ces véhicules ne savent pas que l’impact et le confort sera identique à une autre carrosserie moins haute sur roue (sauf versions prévues pour l’off-road)
Mais tout ceci n’est que matériel, j’ai une pensée pour le dos et les cervicales de tous ceux qui passent leur journée au volant de véhicules qui empruntent des villes remplies de ces pièges urbains. Un jour peut-être, les pathologies du dos des professionnels de la route seront associées à tous ces aménagements de la chaussée (je pense aussi aux chicanes à la c*n), et qu’ils ne deviennent pas juste plus fréquents à cause d’une mauvaise posture ou du confort des véhicules. Enfin le pire est sûrement pour les motards qui peuvent se faire surprendre, notamment la nuit ou par temps de pluie, par l’impact de ces ralentisseurs et provoquer une chute (peut-être même handicapante ou mortelle).
Comme en France, nos têtes pensantes n’ont toujours pas compris que « sanctionner n’est pas éduquer », hélas ces ralentisseurs, ces chicanes, ces radars et autres ronds-points continueront à fleurir sur le territoire. Au plus grand bonheur de ceux qui gagnent grassement leur vie grâce à la crédulité de nos élus (enfin, quand ils ne sont pas de mèche). Reste que si aucun contrôle ne semble exister en amont de l’implantation, les maires ne sont pas au-dessus des lois, et certains, rattrapés par la justice, ont déjà eu à verser des indemnités pour des dégâts causés sur des véhicules et à remettre en conformité leurs ralentisseurs.
Comme tout le monde, je ne cesse de râler contre la plaie des ralentisseurs, plateaux et autres. Non seulement en tant qu’amateur de voitures sportives et d’anciennes, et comme motards. Même avec les gros SUV, c’est juste insupportable. Je suis donc particulièrement attentif au respect des normes de ces « casse-voiture », et opposé par principe à cette pandémie qui touche la France.
SAUF QUE…
Car ceci posé, reste néanmoins un problème pratique :
Comment contraindre les fous furieux à un tant soit peu de prudence en certains endroits particulièrement dangereux ?
Exemple :
Dans le hameau de ma maison de campagne, une longue montée incite voitures et motos à ne pas respecter les 50km/h au bas de celle-ci. D’autant plus que depuis la mise en place d’un stop en bas, nombre de crétins le confondent avec un départ de dragster…
Ce serait un mal relativement supportable si après les 200 premiers mètres, n’était un virage sans aucune visibilité. Qui plus est dans un passage particulièrement étroit ! Tous coupent donc le virage pour ne pas ralentir. Tant pis si lors de leur passage, cars scolaires, camions et autres tracteurs occupent les 2/3 de la chaussée du fait de son étroitesse.
Il ne s’agit nullement de confort. La nuisance sonore est ici anecdotique. En revanche, il devient dangereux pour certains riverains de sortir de chez eux, tant le couple vitesse excessive / absence de visibilité approche toute sortie de chez eux de la roulette russe !
Rien n’y fait. Même les accidents (heureusement légers jusqu’ici) qui se multiplient.
La mairie a donc décidé de contraindre les véhicules à ralentir en réalisant un « plateau ».
J’avoue ne savoir qu’espérer.
– Si le plateau respecte les normes, il ne dissuadera que peu de ces crétins.
– S’il est efficace, et donc « hors normes », il sera dangereux pour les véhicules comme pour la circulation.
Peut-être une chicane serait-elle « moins inefficace » ?
Parce que malheureusement compter sur la responsabilité ou l’esprit civique de mes concitoyens me semble totalement illusoire. Nous ne sommes ni en Scandinavie ni en Suisse.
Je crains que les bienfaits de « l’éducation » ne restent un vœu pieux. Ne serait-ce que le temps qu’elle se diffuse dans la population.
Surtout si l’on rapporte l’un ou l’autre espoir à la montée irrésistible de ce que l’on qualifie pudiquement « d’incivilités » (doux euphémisme journalistique…). Cela revient à fonder des espoirs sur le fromage blanc qu’ont entre les deux oreilles nombre de nos contemporains. Autrement dit être aussi idiot qu’eux…
Alors, QUID ???
(J’ai bien suggéré l’installation d’un canon de 20mm couplé à un radar de vitesse. Mais il paraît que ce serait politiquement incorrect ???)…
Malgré une passion viscérale pour l’automobile, pour répondre à ton QUID, je propose deux solutions, pouvant être complémentaires :
– arrêter de faire des bagnoles de 250ch pour rouler à 80 km/H
– tous rouler en voitures de collection au quotidien, histoire de se faire plaisir sans rouler vite (ça, j’ai déjà adopté)
Quoi, tu doutes de l’adhésion de nos « contemporains fromage blanc » à mes 2 génialissimes solutions ? J’comprends pas ????????????? :))
(sinon, le « canon-radar », je valide)
Est ce qu’il y aurait une intersection dans ton hameau par hasard?
Plutôt qu’un canon couplé à un radar de vitesse, un feu rouge couplé à un radar de vitesse serait plus politiquement correct car moins radical et plus efficace qu’une chicane ou un dos d’âne à mon avis.
Perso, je ne comprend pas pourquoi ce n’est pas intégré à chaque feu rouge d’ailleurs.
Tout a fait d’accord avec votre propos , mais comment faire en sorte que chaque conducteur fasse preuve de bon sens ? Malheureusement la tache est quasi impossible c’est pour cela qu’ il existe un code .Et comme chacun le sait le code c’est fait pour les cons ! Quand on passe devant un radar a 110 km/h alors que 200 m avant on est a 160 ,et que 200m apres on retrouve facilement les 160 ….quel interet ont les radars ?…vous connaissez la reponse qui n’a rien a voir avec la securite .
Donc la seule solution c’est ,je pense, la prevention mais surement pas de la maniere dont elle est dispensee .Pour preuve par exemple jamais un moniteur d’auto ecole n’apprend a un jeune conducteur un freinage d’urgence sous la pluie !!
Petite mise à jour suite à une réponse de la mairie :
Une nouvelle réglementation interdirait (?) les plateaux sur le trajet des bus scolaires. Il faut donc recommencer l’étude. Dilemme cornélien ! Car je suppose que le maire commence à se demander ce qu’il pourra faire pour s’attirer l’approbation des riverains AVANT la prochaine échéance électorale…
Troisdeuxquatre => 250ch ? Pourquoi si peu ? HAHAHA!!! Quant aux anciennes, même elles peuvent être très puissantes.
Ceci dit, cela ne change rien. Même avec la « niche à roulettes » que je viens d’acheter pour promener le toutou (fourgonnette de plus de 20ans, premier « moteur à mazout » de mon existence…), dépasser le 50 km/h est tout à fait possible.
Le problème vient bien plus du fromage blanc que nombre de conducteurs ont entre les oreilles. Automobilistes, motards, tous sont visés. Et vu qu’il y a une bonne descente (du moins dans un sens), je suppose que même un vélo doit parvenir à dépasser les 50km/h !
Seb => L’intégration à chaque feu rouge est un premier pas assez basique. C’est l’ensemble des feux qu’il faut coordonner pour créer une « onde verte ». A certaines heures où la circulation est légère, il est par exemple possible de traverser une ville comme Lausanne en voyant tous les feux passer au vert lorsque l’on s’approche (du moins en respectant la limite de vitesse).
Quoi qu’il en soit, un système de feux rouge serait trop cher pour une petite municipalité. Surtout en ces temps de disette budgétaire.
Commentaire désabusé d’un gendarme local : « Tant qu’il n’y aura pas eu de mort, ils ne feront rien ». « ILS », car dans ce genre de zone, la responsabilité de la voirie au sens large, se partage entre municipalité et département.
Désolé de me focaliser sur mon petit cas particulier. Cet exemple n’est sans doute qu’un parmi bien d’autres, duplicable presque à l’infini. Mais comme celui-ci est devant ma porte, j’en ai plu aisément tenants et aboutissants. Et franchement, il semble que cela ressemble de plus en plus à la quadature du cercle 🙁
Bonjour,
Il y a un argument supplémentaire que vous n’évoquez pas dans votre article sur ces calamiteux dos d’âne : l’écologie, la réduction des émissions polluantes. En effet, la plupart des ces ralentisseurs obligent à freiner, et donc, à accélérer. Quand on pense aux centaines de milliers de véhicules obligés de freiner et redémarrer…. on imagine facilement le gaspillage de carburant et, surtout, les émissions polluantes inutiles.
Les écologistes devraient prendre position sur cet aspect des inconvénients de ces démolisseurs d’amortisseurs et de colonnes vertébrales.
Merci.
M.LEGENDRE
Pour le coup n’ayant pas eu d’impact chiffré côté pollution sous les yeux, c’est vrai que je ne voulais pas forcément trop m’avancé dessus mais c’est vrai que ça va en parallèle d’une hausse de la consommation donc c’est cohérent … même si cela serait à vérifier.
Je suis rentrée de vacances il y a quelques semaines, et depuis je suis sous anti-inflammatoires pour mon dos, à cause de ces foutus dos d’âne. En effet, j’ai dû traverser Orléans à mon retour, et dans une agglomération proche, j’ai dû subir 5 dos d’ânes (sur une route extrêmement fréquentée).
Comme la plupart de ces ralentisseurs, ils ne devaient pas être aux normes. En effet, en les prenant même au pas, on avait l’impression que la voiture tombait dans un trou au sortir de chaque dos d’âne !
Je précise que je souffre d’une hernie discale, et que ces ralentisseurs sont une hantise pour les personnes comme moi. J’ai donc dû revoir mon médecin, et je suis de nouveau sous traitement.
En plus d’abimer les voitures, ces dos d’ânes sont très nocifs pour notre santé, et coûtent très cher à la sécurité sociale…
Il faudrait faire subir à nos chers élus ce que nous sommes obligés d’endurer au quotidien !
Bjr, pourquoi n’avez vous pas le système Rolls Royce qui absorbe le dos d’âne à son passage plutôt que de blablater comme un fonctionnaire. Dans l’industrie, quand je dis « action », on part tous au travail. A part cela je vais me lancer en procédure contre l’ancien maire qui a du se gaver avec tous ces ralentisseurs. Fort d’une condamnation récente dans l’Ain, J’espère que la mairie qui a fait appel n’aboutira pas. Si il y a jurisprudence, je compte bien envoyer la facture des amortisseurs de ma Ford devenus une 2CV ainsi que le train AR de ma 206 HS. C’est dommage que je n’ai plus ma hernie discale, opérée en 1990, comme le kamarade HACHE, sinon mon avocat mettrait ca dans la facture. Ce matin, j’ai contrôlé plusieurs ralentisseurs et même si au centre on approche les 10 cm à cause du bombé de la route, ils viennent mourir au sommet d’une bordure de trottoir de 14.5cm à l’angle au sommet. Ca nous donne en gros 14 cm à la verticale- c pas bon-
J »attends les devis du garagiste et j’envoie ma demande d’indemnisation pour voir la réaction.
Dans une toute autre affaire une commune des Yvelines a été condamnée à verser 500000 € à un particulier à qui on avait refusé plusieurs fois des permis de construire.
Tout est possible – Affaire à suivre malgré les reports d’audience des mauvais qui gèrent nos affaires.
Cordialement
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