Décidément cette loi d’orientation de la mobilité (LOM) est un fourre-tout à mauvaises nouvelles pour les automobilistes. Je vous en parlais déjà à propos de la fin programmée de la commercialisation des véhicules thermiques pour 2040 mais elle revient encore ces derniers jours sur le devant de la scène à propos de l’usage du téléphone au volant.
Vous en avez abusé, vous risquez de le payer très cher
Voilà comment on peut résumer ces petits changements appliqués au code de la route qui ont été introduit dans le cadre de ce projet de loi LOM et qui devraient s’appliquer dès le 1er septembre 2019 sur les routes.
Pour rappel depuis 2003, la sanction pour usage d’un téléphone au volant consiste en une amende de 135€ et d’un retrait de 3 points sur le permis de conduire (article R412-6-1 du Code de la route), de ce côté rien ne change. J’en profite pour rappeler qu’à partir de 2015 l’utilisation d’un kit main libre ou d’une oreillette sont aussi sanctionnés de la même manière.
Que l’on téléphone, que l’on textote, que l’on réseaute ou pire que l’on sextote au volant, on est de toute manière un danger sur la route car notre attention n’est plus portée sur la chaussée et encore moins sur notre environnement immédiat. On est dans une bulle, et cette bulle nous coupe de toute perception de danger qui peut nous arriver dessus ou pire, que le conducteur inattentif peut provoquer. Les deux-roues en sont les premiers témoins et souvent les premières victimes, mais ils sont loin d’être les seuls. Il n’y a qu’à circuler en ville ou sur les autoroutes urbaines pour constater l’étendu de ce relâchement chez les différents conducteurs (y compris de poids lourds).
Mais comme les radars automatiques d’ancienne génération ne sanctionnent pas le téléphone au volant et que les contrôles routiers opérés par les forces de l’ordre ont quand même fortement baissé, un sentiment d’impunité s’est peu à peu installé. Le « pas vu pas pris » est de mise, et il n’y a bien que ceux qui se sont fait de frayeurs ou ont été victime d’accidents consécutifs à l’usage du téléphone au volant qui ont pris conscience du danger réel de cette nouvelle lubie.
A force de ne sanctionner que la vitesse (pour remplir les caisses de l’Etat), la route est devenue une jungle où les incivilités côtoient le « je m’en foutisme de l’autre » (je l’abordais déjà dans un article à propos du non-usage du clignotant), aucun doute nous sommes bien un pays latin pour cela. Problème, c’est que pour remettre de l’ordre dans ce joyeux bordel, le gouvernement oublie directement la carotte pour passer sans transition au bâton. Encore une fois nous serons donc encore tous perdant parce que l’égocentrisme prédomine sur la communauté (je reparlerais à l’occasion des aménagements urbains sans queue ni tête qui nous pourrissent la vie à cause de ceux qui abusent).
Un bâton sous forme de rétention / suspension du permis de conduire
L’idée du gouvernement et notamment de sa branche dédiée à la sécurité rentière routière est donc de sanctionner par un retrait de permis le combo du téléphone au volant avec une autre infraction constatée. Voici les textes adoptés (en attendant le décret applicable) :
4° L’article L. 224-1 est ainsi rédigé :
PROJET DE LOI d’orientation des mobilités, ASSEMBLÉE NATIONALE – 18 juin 2019
« Art. L. 224-1. – I. – Les officiers et agents de police judiciaire retiennent à titre conservatoire le permis de conduire du conducteur :
[… voir texte complet ici…]
« 6° En cas d’accident de la circulation ayant entraîné la mort d’une personne ou ayant occasionné un dommage corporel, lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le conducteur a commis une infraction en matière d’usage du téléphone tenu en main, de respect des vitesses maximales autorisées ou des règles de croisement, de dépassement, d’intersection et de priorités de passage ;
« 7° Lorsque le véhicule est intercepté, lorsqu’une infraction en matière d’usage du téléphone tenu en main est établie simultanément avec une des infractions en matière de respect des règles de conduite des véhicules, de vitesse, de croisement, de dépassement, d’intersection et de priorités de passage dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.
En l’état cela signifie par exemple que si vous dépassez la police sans mettre votre clignotant parce que vous avez votre téléphone en main, vous pouvez encourir une suspension de permis immédiate (qui ne dépassera pas 6 mois à moins d’avoir écrasé une personne). Idem si vous grillez un stop ou un feu rouge, ou si vous ne laissez pas la priorité à droite (ou à un piéton) parce que votre SMS est plus urgent que d’avoir toute votre attention dédiée à la conduite.
Le « pas vu pas pris » restera donc probablement de mise, sauf qu’au lieu de parier 3 points sur votre permis, vous misez tout votre solde de points à la roulette. Cela devrait amener certains automobilistes à réfléchir (mais hélas pas tous).
Une sanction contre-productive
Il faut bien comprendre que je suis de ceux qui râlent contre l’usage excessif du smartphone au volant. Quand je dis « excessif » je pense surtout à ceux qui envoient des mails / sms / messengers en conduisant (systématiquement) plus qu’à ceux qui vont décrocher une fois leur tel en roulant ou ceux qui manipulent un gps parce qu’ils se retrouvent perdus, sauf que le changement s’appliquera à tous de la même manière et sans distinction.
La suspension de permis de conduire pour avoir doubler sans clignotant parce que l’on a son téléphone en main est à mon sens disproportionnée. Le sanctionner de 2 fois 3 points en moins sur le permis est déjà suffisant : 3 points pour le clignotant (oui oui, on l’oubli mais cela peut coûter cher) et 3 points pour le téléphone, mais ceci est apparemment jamais ou trop rarement appliqué.
Suspendre le permis (de manière temporaire) pour ce type de motif va pousser encore plus de conducteurs à braver l’interdit. Ils rouleront sans permis et surtout sans assurance, et ceci est un fléau encore plus grave et qui coûte plus cher à la communauté. C’est loin d’être la solution qui va faire réfléchir les « mauvais conducteurs ».
Si vous pensez que vous êtes tranquilles car les contrôles de ce type sont trop rares, il faut garder en tête que les radars nouvelle génération (dit radars tourelles) pourront à terme vérifier ce genre de choses, donc une photo souvenir combinant excès de vitesse + téléphone dans la main donneront de possibles suspensions de permis. Je les appelle déjà les sulfateuses à PV, mais ces radars pourraient bien devenir de véritables guillotines à permis. Pour le moment ces nouveaux radars ne sont programmés que pour la vitesse (et le franchissement d’un feu rouge) mais attention cela pourrait vite évoluer… à suivre !
Encore une fois, j’ai la sensation que nos politiques veulent en faire « toujours plus » pour montrer qu’ils font quelque chose. Ici, on alourdit les sanctions, mais comme tu le dis si bien le « pas vu pas pris » restera de mise …
Et si l’on associe ça à la « sulfateuse à PV » qu’est le radar-tourelle : pas de doute, les caisses vont se remplir de nouveau après des mois peu rentables.
Pourquoi les gouvernements successifs cherchent-ils systématiquement à sanctionner en se dressant de front contre les évolutions techniques, au lieu de tenter d’accompagner celles-ci ?
Certes, téléphoner en conduisant est dangereux. Un test mené il y a bien longtemps par un hebdomadaire de moto prouvait que dans certains cas, le pilote au téléphone e commençait à freiner… qu’après que la moto le précédant se soit immobilisée ! C’est donc un comportement des plus dangereux, c’est indéniable.
Ceci posé, il faut aussi réfléchir à ce que l’évolution des techniques et de la société nous propose.
Pourquoi alors laisser les constructeurs « connecter » chaque jour un peu plus nos voitures ?Au point que dans nombres de publicités, c’est la connectivité qui est mise en avant, au détriment de (« bêtes » ?) qualités telles que tenue de route, freinage et autre.
Mon propos n’est pas d’aller à l’encontre de l’évolution de la « connectivité ». Mais bien de l’accompagner afin de la rendre compatible avec les prérequis de sécurité.
Pourquoi par exemple, ne pas subordonner la programmation du GPS à la confirmation de l’arrêt du véhicule ?
Ou lorsqu’en route, utiliser un écran dont l’angle ne permet qu’au seul passager de lire les informations (fait par BMW sur les anciennes séries7 pour les fonctions de cinéma) ?
Ou tout simplement déjà ne pas interdire de transférer le téléphone sur « l’infotainement » de la voiture ?
J’ai l’impression de devenir schyzophrène en mettant en regard les interdictions réglementaires et les propositions techniques des constructeurs… Je ne dois pas être le seul à balancer entre le respect de la règle, et cette impression d’ennui dans les embouteillages ou sur les longs trajets autoroutiers.
Cela dit, la technique n’est pas l’unique cause de baisse d’attention. Les altercations avec conjoints ou enfants, les rêveries et autres réflexions sur tel ou tel problème ne sont-elles pas elles aussi l’occasion d’une baisse de vigilance aux conséquences parfois dramatiques ?
Déjà qu’avec les régulateurs de vitesse (éventuellement adaptatifs), maintien de file, et autres aides à la conduite, on fini par s’ennuyer fermement au volant. Notamment sur autoroute. Comme quoi la « facilité » de conduite peut aussi conduire à l’indolence.
J’ai encore souvenir d’une bonne mère de famille qui lors d’un ravitaillement en essence m’a vertement tancé pour l’avoir « doublée par la droite à toute vitesse ». Sauf que ce jour sur l’A6, les deux files étaient ininterrompues de Lyon jusqu’à Paris… La « brave dame » cherchant à aller prendre du carburant a sans doute jeté un vague regard dans son rétroviseur (ou du moins dans ce qu’il restait de disponible au-dessus des vélos entassés sous la lunette arrière ?), sans réaliser qu’il y avait sur la file de droite une voiture qui « culminait » un mètre plus bas que son monospace ! Auourd’hui encore, elle doit être convaincue que je me suis faufilé à toute vitesse entre les files de voiture au cul-à-cul, juste pour l’effrayer en me matérialisant là où elle souhaitait aller…
Et pourtant, dès que je suis dans une voiture de sport, je roule tous feux allumés pour enter de me faire repérer dans la circulation.
Sans compter tous ces téléphones, coyotes et autres GPS qui non contents de détourner l’attention des conducteurs, fleurissent sur les pare-brises, réduisant d’autant le champ de vision… (Au passage, il y a déjà une vingtaine d’années que les Corvettes et Cadillac bénéficiaient d’affichages tête haute en série. Et qui plus est, sur le pare-brise, et non pas dans la meurtrière d’une petite lame de plexiglas. C’est là un vrai plus en termes de sécurité qui permet de conserver son attention sur la circulation, et non pas le tableau de bord. Comme l’étaient d’ailleurs les « satellites » des Visa ou Lotus Esprit, qui permettaient de conserver les mains sur le volant pour rester plus alerte.).
Finalement, je ne compte guère sur la législation pour me protéger de l’inattention de mes contemporains. Et ce n’est plus qu’au volant du gros SUV que je me sente relativement protégé de l’inattention des autres.
Un peu plus et le commentaire allait plus long que l’article en lui-même 😉
Je rebondis juste sur un point, il y a quelque chose que j’ai beaucoup aimé sur la Mazda 6 que j’ai eu en test. Quand la voiture roule l’écran d’infotainment n’est plus tactile, il ne l’est que lorsque la voiture est à l’arrêt. On peut toujours le manipuler via la molette mais je trouve ça beaucoup mieux que le tactile (moins distrayant)
En dehors du système de Tesla je trouve les écrans tactiles tellement mal pensés …
Tout le monde n’a pas l’esprit de synthèse de la journaliste…
😉