S’il semblait nécessaire d’encadrer un peu plus l’attribution de la prime à la conversion suite à certaines dérives constatées, le changement de décret applicable dès le 1er août 2019 surprend les professionnels du secteur et risque d’échauffer de nouveau certains esprits (de gilets jaunes par exemple) dans cette crise de confiance avec le gouvernement.
On est pourtant en période de vigilance accrue au niveau des incendies, mais il semble bien que le gouvernement s’amuse encore à craquer quelques allumettes. Pour rappel, la prime à la conversion c’est une aide qui permet de remplacer un véhicule ancien par un autre « moins polluant » (enfin plus récent) notamment pour les foyers les plus modestes (oui, car si vous faites partie de la classe moyenne vous ne pouvez en bénéficier que sur une catégorie de véhicules), sauf que le gouvernement se retrouve victime de son succès. La prime aurait déjà coûté en un semestre 465 millions d’euros, ce qui avait été prévu à minima pour l’année. L’état n’avait pas prévu un tel afflux de dossiers sur une période aussi courte.
Rétropédalage un peu trop soudain pour être honnête
Décret publié le 17 juillet pour une mise en application au 1er août 2019 sans aucune concertation avec la filière automobile, en effet côté timing, il semble qu’il y ait une certaine urgence au niveau de l’état pour arrêter une hémorragie de dépense d’argent public servant à encourager la modernisation du parc automobile français. Dans tous les cas changer les règles du jeu en si peu de temps et en cours d’année n’est clairement pas fair-play.
Si l’intention est louable puisque c’est potentiellement notre argent à « tous » qui sert à financer cette mesure, quand on regarde plus en détail les nouvelles conditions d’attribution et surtout les véhicules éligibles, on se rend compte que la porte ouverte pour renouveler le parc auto (en cohérence avec l’application des zones à faible émission) vient de se claquer au nez et à la barbe de bien des acheteurs et professionnels. Mais dans ces changements, il aurait pu y avoir du bon, enfin si la mesure n’était pas appliquée dans la précipitation (comme toujours).
Qui ? Quoi ? Combien ? On résume les principaux changements
Les véhicules éligibles à cette prime à la conversion ne pourront plus dépasser les 117 g/km d’émission de CO2, contre 122 g/km jusqu’à maintenant. Cela restreint déjà le choix des véhicules, mais cela ne s’arrête pas là.
Les véhicules dont le coût d’acquisition dépasse les 60 000 € (TTC) (y compris pour les véhicules électriques ou hybrides rechargeables) seront exclus aussi. Ceci dit normalement cela concernait moins la cible « foyer modeste » de cette aide, mais comme tous les foyers y avaient le droit, c’est clairement la classe moyenne qui subit ce changement. Étrangement, il était déjà question de retirer le bonus écologique aux véhicules dépassant les 50k€, et même si cela était passé à la trappe, on note qu’ils ont quand même tenu à cette barrière « prix » pour sanctionner certains acheteurs.
Plus gênant pour les vendeurs de véhicules d’occasion, les voitures classées en Crit Air 2 (donc à peu près tous les diesel d’occasion jusqu’alors compatible avec la PAC) sortent du dispositif. Il faut dire que les achats se sont quand même beaucoup reportés sur du jeune diesel, alors que le gouvernement espérait une plus nette bascule vers de l’essence (ce qui est plus le cas sur des véhicules neufs). Seuls les véhicules Crit 1, les véhicules électriques et hydrogène ainsi que les Crit Air 2 immatriculés après septembre 2019 pourront encore disposer de la prime à la conversion en fonction de vos conditions de revenus. Mais comme le parc d’occasion français est essentiellement composé de diesel, cela risque d’être sport de trouver votre bonheur en essence ou même VE sans passer par du neuf pour bénéficier de la prime.
La question du « qui peut en profiter » évolue également. La distinction imposable/non-imposable pour les ménages étant trop simple, on complexifie le bazar en basant l’attribution possible de cette prime en fonction d’un seuil par part : « un revenu fiscal de référence par part inférieur ou égal à 13 489 euros » est nécessaire pour bénéficier de la PAC.
Les personnes morales (entreprises, artisans…) ne peuvent profiter de la prime à la conversion que sur les véhicules électriques et hybrides rechargeables, les Crit’Air 1 leur seront désormais exclus.
Reste que le montant de la prime à la conversion reste inchangé pour les VE et hybrides plug-in (sans condition de revenus) avec un montant de 2500 € (mais seulement s’il coûte moins de 60k€). Les foyers les plus modestes et les gros rouleurs peuvent toujours bénéficier du doublement de la prime (une mesure effet « gilet jaune »). En revanche, le montant de la prime pour les véhicules thermiques Crit Air 1 ou 2, neuf ou occasion, passe de 2000 € à 1500 € (pour les foyers répondant au seuil d’éligibilité).
Voilà qui va tendre le marché de l’occasion et qui ne va clairement pas aider à renouveler notre parc automobile vieillissant. C’est dommage d’avoir mal anticipé l’enveloppe budgétaire qu’il faudrait débloquer pour accompagner cette mesure sur le long terme. Mais est-ce bien surprenant de voir que les politiques sont dépassés sur ce point ? Alors même que le problème d’équilibre budgétaire se pose déjà depuis plusieurs années avec le principe du bonus-malus…
En matière d’improvisation et de bricolage autophobe, notre gouvernement actuel fait encore plus fort que ses prédécesseurs.
Et on commence à en voir les conséquences : la traque anti-Diesel a entraîné la hausse des émissions de CO2 du parc automobile neuf acheté en fRance en 2018 (source ADEME). Hé oui : les motorisations essence ayant un moins bon rendement thermodynamique, les consommations (donc les émissions de CO2) repartent à la hausse au gré de la croissance des motorisations essence.
Allez, juste pour rire, souvenez vous aussi : du bonus-malus (qui avait contribué à la sur-représentation des Diesels neufs !) et de ses calculs « abradacabrantesques » pour ne pas assassiner fiscalement les familles nombreuses devant rouler en monospace…
Et le gouvernement actuel nous refait le coup sur les coefficients d’émissions CO2 pour les motorisations E85.
A force de faire des gribouillis, plus rien n’est lisible.