Je pense pouvoir recycler à l’infini cet article coup de gueule, en même temps c’est dans la tendance de faire des choses recyclables, alors pourquoi pas des articles de blog. En attendant si la guerre des chiffres autour de la mortalité routière existe depuis toujours, les analyses parfois fantaisistes qui en sont faites semblent s’être amplifiées du fait de l’arrivée de nouveaux acteurs et de nouvelles causes à défendre. Un joli sac de noeuds qui nécessite à mon avis encore plus de prendre du recul qu’avant.
Guerre des clans : attention au biais cognitif
Au début j’avais prévu de publier cet article (hier) le 01/04 avant de réaliser qu’on était le mauvais jour pour traiter d’un sujet un peu sérieux. Pour autant le 1er Avril est peut-être un des seuls jours de l’année où les gens analysent les infos plus sérieusement pour ne pas tomber dans le panneau des poissons d’avril. Hélas dès le 2 Avril, cette bonne initiative a tendance à passer à la trappe de nouveau, quel dommage !
Typiquement les annonces (mensuelles comme annuelles) des bons ou mauvais résultats de la mortalité routière mériteraient bien souvent que l’on prenne le temps de se poser les bonnes questions, à commencer par « Qui ? » et « Pourquoi ? »
J’entends souvent dire « les médias sont tous des vendus ». Oui et Non (vive les normands), les médias traditionnels sont vecteur de la communication institutionnelle, ils sont donc un des relais privilégiés par le gouvernement pour diffuser un message qui va dans leur sens (forcément). Dans un second temps, ces médias ouvrent l’antenne aux réactions des opposants proposant une analyse contradictoire avec plus ou moins de visibilité offerte. Inutile de pousser des cries d’orfraies tous les mois, la règle du jeu est ainsi faite et cela fait des siècles que cela dure. L’esprit critique ne tombe jamais tout cru du ciel.
Mais même si la communication top-down (du sommet vers la base) est certainement une des plus biaisée, on peut y capter des informations intéressantes. Il suffit ensuite de reproduire cette écoute active avec des courants de pensée contradictoires (et complémentaires) et de faire soi-même le travail de corrélation. C’est certes fastidieux, mais beaucoup plus intéressant que de gober la bouche ouverte les infos ou infox du groupe qui nous est le plus favorable.
Car c’est bien là le problème, chacun voit midi à sa porte et donc, chacun lit dans les chiffres ce qu’il veut y voir, et au final le discours est juste inaudible.
Etes-vous plutôt pour ou contre les 80 km/h ? Pour ou Contre les radars ? Pour ou Contre les Gilets Jaunes ? Pour ou Contre les mesures du gouvernement ? Altruiste ou égoïste ?
On peut rajouter de nombreuses questions du même type pour définir quel type d’automobiliste (ou non) vous êtes, si vous êtes motards ou cyclistes, si vous avez été victime d’un chauffard, tous ces éléments définissent votre profil et le message auquel vous allez être sensible.
Voilà donc comment se déclinent des tendances et donc les clans avec lequel ou lesquels vous aurez le plus d’affinités. En fonction de cela les derniers chiffres à la hausse de la mortalité routière vous paraîtrons (rayer la ou les mentions inutiles) :
- un échec de la politique des 80 km/h
- une inutilité des radars (fixes et mobiles)
- une impunité des chauffards (de préférence alcooliques et drogués)
- un manque de formation des conducteurs / de l’entretien des voitures
- une recrudescence des incivilités au volant (ou au guidon)
- la faute à tous ces poids lourds étrangers sur la route
- une erreur de laisser le volant à des petits vieux
- de toute façon les voitures ça pollue il faut les interdire …
Mais globalement les nouveaux enjeux des politiques font partis des principaux points de crispation du débat, alors quand on ajoute les gilets jaunes à la dégradation des radars en marche depuis l’été dernier, et la hausse du prix des carburants avec en plus le passage au 80 km/h… Vous avez bien compris que l’analyse des chiffres est quasi impossible en l’état n’ayant quasiment pas de point de référence d’un mois sur l’autre (et encore moins d’une année sur l’autre).
Analyse macro ou micro
C’est là qu’il faut prendre un peu de recul pour lâcher l’effet loupe des annonces, et ne pas forcément se lancer dans le débat avec le couteau entre les dents en criant « à l’abordage » et en disant : « les 27 morts en plus c’est la faute de … »
En général d’ailleurs on dira toujours (ou presque) que la faute incombe à la vitesse, c’est un peu la case à cocher par défaut quand on ne sait pas vraiment le motif de l’accident mortel. Selon les statistiques actuelles, typiquement la voiture s’est encastrée dans le platane au virage à cause de la vitesse excessive, plus rarement du fait de l’endormissement, d’un coup de volant donné pour éviter un animal ou d’un enfant chahutant à l’arrière, ça ne rentre pas aussi bien dans les cases du rapport. Ça c’est très français, car ayant regardé de plus près les chiffres allemands, le classement des causes d’accident est bien différent. Je ne dis pas qu’ils ont forcément raison, je trouve juste que leur analyse me semble plus fine (là encore c’est probablement un biais), car pour eux la vitesse est plus généralement un facteur aggravant et pas la cause même (sauf cas précis).
Franchement pour réellement pouvoir commenter les chiffres de la mortalité routière de manière honnête, il faudrait en avoir un peu plus sous le coude quelques chiffres extraits d’un tableur, car en l’état cela laisse tellement matière à interprétation qu’il y aura autant de bonnes que de mauvaises analyses du même chiffre ou de la même courbe.
Alors avant de jubiler en disant que la baisse à 80 km/h est une hérésie (même s’il y a une part de vrai), que les radars sont inutiles (même si là aussi il y a une part de vrai), etc etc … Dites-vous que ce n’est qu’une histoire de business et de marketing, tout le monde ment pour sauver son chiffre d’affaire.
Bienvenue dans l’univers où la mort n’est plus juste une fatalité mais un business model, et cela n’est pas prêt de changer (rien n’a voir avec l’automobile finalement).