Ma première rencontre avec la Yaris GRMN remonte au salon de Genève de 2017 (puis à Francfort la même année), c’était sa première présentation, mais à ce moment là il y avait quelques inconnues notamment sur ce qui allait se cacher plus précisément sous le capot. Et ce n’est pas faute d’avoir questionné Stijn Peeters (chef du projet technique européen qui a coordonné le programme R&D pour l’Europe) pendant l’interview que nous (Paul, Mikael & moi) avions avec lui sur le salon. On est pourtant revenu plus d’une fois sur la question de la motorisation, puisque les rumeurs parlaient déjà du moteur équipant la Lotus Elise et que cela avait forcément aiguisé notre curiosité, mais on est reparti relativement bredouille pour la puissance exacte on a obtenu qu’un « + de 200 ch » approximatif.
Moins d’un an plus tard, je retrouve Stijn Peeters à Barcelone pour les premiers essais presse de la Yaris GRMN et il pourra cette fois répondre à toutes nos questions. Le hasard va même pousser le vice jusqu’à m’installer à table entre lui et le pilote essayeur Vic Herman, de quoi essayer d’en savoir plus entre deux plats ou deux verres de vins (merci le vin qui aide bien à converser en anglais avec beaucoup moins de complexes… bref). C’est ce que j’apprécie dans les essais organisés par les constructeurs, c’est qu’au-delà d’essayer juste une voiture, il y a tout l’aspect humain qui a son intérêt pour mieux comprendre la philosophie de certains modèles surtout pour cette première « GAZOO Racing » en Europe.
Dans le cas présent, cette proximité avec un responsable du projet permet aussi d’aller demander de but en blanc « pourquoi vous avez mis un volant rond alors que les réglages un peu limités de la position de conduite posent un problème pour certains gabarit », chose que l’on peut toujours essayer de demander directement à la voiture mais si elle vous répond d’elle-même je m’inquiète un peu de votre santé mentale 😉 … Mais revenons un peu à l’essai de cette Yaris GRMN qui s’est déroulé sur route et sur circuit, enfin juste après quelques mots sur la genèse du projet…
La première GAZOO Racing en Europe
Cette Yaris GRMN (GAZOO Racing Meister of Nurburgring) concrétise un projet lancé 2 ans plus tôt, et si le Japon compte déjà 5 générations de véhicules signés du sigle GR pour « GAZOO Racing », en Europe c’est une première. C’est aussi ce qui explique le choix d’une édition limitée à 400 exemplaires pour l’Europe (et 200 de plus pour le Japon sous l’appellation « Vitz GRMN »), un moyen de limiter le risque au cas où l’enthousiasme de la clientèle n’ait pas été au rendez-vous.
Heureusement pour Toyota et GAZOO Racing, l’accueil a été tellement bon que les 400 véhicules destinés à l’Europe ont quasiment tous été réservés en ligne en moins de 72h (un petit effet Alpine en quelque sorte). Il n’y a pas eu besoin d’un budget marketing démesuré pour cette première Toyota GAZOO Racing, les bons retours de la presse ont aiguisé l’intérêt des clients pour cette citadine sportive présentée au public à Genève. Il faut dire que depuis la Yaris TS (il y a 10 ans maintenant), il manquait une petite sportive qui pouvait compléter la gamme plaisir de Toyota, jusque là tenue tant bien que mal par la GT86.
Au-delà des contraintes techniques du projet d’intégrer un bloc 1.8 litre à compresseur sous le capot d’une Yaris, d’adapter aussi l’échappement, le freinage et les suspensions, il allait être nécessaire de trouver où et comment produire ces 400 véhicules. L’usine de Valencienne (TMMF) produit déjà la Yaris 3 portes qui sert de base à la GRMN, elle est donc naturellement retenue, sauf qu’ils sortent habituellement des milliers de voitures à la chaîne (gros succès la Yaris). Il fallait donc réussir à intégrer dans le planning de production la fabrication des 7 modèles quotidiens de Yaris GRMN (étalés sur 4 mois), et pour se faire c’est à la fine fleur des techniciens de l’usine que sera confiée la tâche du montage des pièces spécifiques du modèle.
Le moteur de la Yaris GRMN quant à lui profite de la collaboration entre Toyota et Lotus. Depuis quelques années, Toyota fourni les moteurs (et d’autres pièces) qui équipent la Lotus Elise, et si Toyota a l’habitude de faire des voitures qui conviennent au plus grand nombre, Lotus a l’expérience des petites séries de sportives au caractère bien plus spécifique. Un petit passage par les ateliers de Lotus et le moteur 2ZR revient à Valencienne pour se loger sous le capot de la Yaris GRMN pour notre plus grand plaisir.
Au volant de la Yaris GRMN
Quand on parle de sportives, il y a deux aspects que j’aime bien prendre en compte : le rapport poids/puissance et le ratio performances/prix, l’idéal étant souvent de trouver des modèles avec un bon rapport qualité/performances/prix. Si j’apprécie de tester sur piste ou route des sportives de luxe avec débauche de chevaux (comme prendre le volant de la R8 ou d’une RS4), je trouve tout aussi amusant et intéressant de tester également des sportives plus abordables comme cette Yaris GRMN (mais aussi la 308 GTi et bien d’autres) qui s’affichait à 30 700€ (hors malus).
Sur la question des ratios, la petite Germaine (oups GRMN) est bonne élève car elle dispose du meilleur rapport poids/puissance de sa catégorie avec 5.35 kg/ch. Avec son moteur 4 cylindres 1.8 litre à compresseur de 212 ch (et un couple de 250 Nm entre 4800 et 6800 trs/min) pour un poids contenu de 1135 kg, elle ne manque pas d’arguments pour aiguiser l’intérêt. Plus concrètement si l’accélération peut manquer d’un peu de panache en bas régime, dès que l’on monte dans les tours elle s’exprime avec beaucoup de vigueur et on y trouve un bel agrément, et pour une fois sans turbo ce qui est plutôt rare dans cette gamme.
Si le circuit n’est pas toujours mon terrain de jeu préféré, j’ai pris beaucoup de plaisir au volant de la Yaris GRMN. Je l’ai d’ailleurs découverte directement sur piste, un moyen assez radical de faire connaissance avec cette petite puce dopée au Red Bull. Les 3 premiers tours m’ont permis de faire connaissance avec l’auto et le tracé du Parcmotor Castelloli, et les tours suivant n’ont été que du bonheur, c’est presque une des rares fois où je voulais encore faire des sessions.
Facilité pour prendre en main la voiture, pour la placer sur la piste sans craindre de sur ou sous-virages traîtres, ou pour gérer les freinages sans avoir peur de trop lui en demander, on se sent à l’aise derrière son volant. J’espère juste qu’elle me pardonnera de l’avoir un peu trop emmenée au rupteur (par excès d’optimisme) et s’il y a un défaut que l’on pourrait lui attribuer à l’issue de ces sessions sur piste c’est son guidage de boîte, si de mon côté je n’ai eu que deux « oups » à confondre ou hésiter entre 4ème et 2nde, d’autres confrères râlaient un peu plus sur ce point.
Autre critique entendue de confrères mais qui ne me concernait pas pour le coup, c’est sur la position de conduite. Etre une femme et donc « relativement » petite (1.64m) n’est pas toujours un avantage surtout dans la gamme des sportives (je dois souvent conduire rapprochée du volant pour pouvoir embrayer à fond sur certains modèles, dont mon ex-350Z) mais dans le cas de cette Yaris GRMN, mon gabarit s’est plutôt transformé en avantage. Aucun problème pour trouver une position confortable alors que les hommes aux longues jambes trouvaient des limites aux réglages du siège baquet et du volant. D’où d’ailleurs la question posée plus haut à Stijn Peeters (chef de projet), si un volant coupé aurait pu donner un peu plus d’espace aux jambes, d’après leur test (Stijn étant relativement grand lui-aussi) le petit volant de la GT86 était suffisant. Ils auraient peut-être dû tester avec des Adriana Karembeu pour confirmer cela 😉
En dehors du circuit, la Yaris GRMN saura donner du plaisir sur les petites routes de campagne et encore plus sur celles de montagne où son agilité sera alors vraiment appréciée à sa juste valeur grâce à la qualité de son châssis renforcé. Même s’il s’agit à la base d’une citadine, elle offre une certaines polyvalence qui lui permettra de sortir de son rôle de véhicule urbain (là où une Abarth 595 sera un peu plus limitée), je ne dis pas que faire 800 km d’autoroutes sera un plaisir, mais ce ne sera pas pour autant une torture non plus, elle est assez agréable en vitesse stabilisée autour des 130 km/h. Même si les suspensions sont assez fermes, elle offre un compromis suffisant entre sportivité et confort dans ces situations.
Après une bonne session d’arsouilles sur des routes sinueuses puis une conduite cool sur autoroute on est arrivé à une moyenne de 10 litres/100km, on est forcément au dessus du cycle mixte annoncé de 7.5 l/100, mais on n’est pas vraiment dans le bon exemple de conduite de test non plus 😉
Et coté esthétique ?
Pas de jaloux tout le monde est logé à la même enseigne avec cette édition limitée. Les 400 Yaris GRMN européennes sont habillées d’une robe blanche avec un toit noir, et parsemées de plusieurs décors rouge et noir sur le capot et les bas de caisse pour marquer l’appartenance à GAZOO Racing, et rappeler ainsi l’univers de la compétition et sa filiation avec la Yaris WRC.
On notera quand même qu’elle se démarque bien de la Yaris classique surtout vue de l’arrière avec son aileron pas forcément très discret, son diffuseur arrière et sa sortie d’échappement centrale, ouf ! Cette version sportive reçoit aussi une calandre à nid d’abeille spécifique, des jantes noires BBS 17″ en alliage forgé et elle est chaussée de pneus Potenza RE050A de Bridgestone. On ne peut pas dire que Toyota a lésiné sur la qualité des équipements de sa citadine sportive.
A l’intérieur, on retrouve la Yaris de base à « quelques » détails près : de bon sièges baquets qui assurent un maintien agréable, le volant de petit diamètre de la GT86 (je vous en parlais plus haut) revu et corrigé, un pédalier aluminium, et plusieurs inserts rouge et noir logotés « GR ». Je ne vais pas dire que je suis fan de l’intérieur Yaris en général, mais dans sa livrée GAZOO Racing c’est tout de suite plus sympa 😉
En bref
Il est clair que pour un coup d’essai en Europe ce premier modèle signé GAZOO Racing est une réussite, et cette Yaris GRMN va sûrement devenir un collector assez recherché sur le marché de l’occasion. Elle n’est peut-être pas parfaite, mais elle est sacrément attachante.
Polyvalente, performante et fun, voilà une combinaison qu’il est toujours agréable de rencontrer dans les nouveautés d’un constructeur, entre les SUV et les Diesel, l’automobile est devenue bien fade et sans saveur, alors quand dans le paysage un petit bonbon épicé de 212 ch fait son apparition, on est vite à la fête. Un bon châssis, un moteur 1.8 litre à compresseur qui rentre au chausse-pied dans cette carrosserie, le tout pour un poids optimisé de 1135 kg donne un mélange dynamique mais pas trop radical, car ils auraient pu opter pour un véhicule encore plus allégé et dédié au circuit, on en parlait d’ailleurs à table d’une éventuelle version piste de moins d’une tonne.
Même si on associe de plus en plus souvent Toyota à son savoir-faire sur les motorisations hybrides, on se rend compte avec cette Yaris GRMN que le constructeur n’a pour autant pas complètement mis de côté les voitures plaisir. La marque la plus vendue au monde sait encore faire autre chose que du généraliste grand public grâce à l’engagement de GAZOO Racing en compétition, et j’attends d’ailleurs les prochains projets GR avec une certaine impatience, surtout quand les rumeurs parlent d’une nouvelle Supra.
Mon compte rendu d’essai est un peu atypique pour Miss280ch, mais je voulais faire quelque chose de différent et complémentaire de l’article que j’ai déjà publié sur AutomotivPress, alors si vous souhaitez en savoir encore plus sur la Yaris GRMN je vous invite à lire également celui-ci : Yaris GRMN : La première GAZOO Racing pour route ouverte née au Nürburgring
Et si vous avez des questions ou des remarques, les commentaires sont à vous … 😉